LES ORIGINES DE LA MUL
Cette maladie génétique a longtemps été décrite sous différents noms, parce que de rares cas étaient observés par les uns et les autres, et qu'il est resté longtemps difficile de discerner la MUL d'autres maladies pouvant se présenter, à un moment de leur évolution, de manière comparable : Syndrome de Ramsay-Hunt, dyssynergie cérébelleuse myoclonique, sous forme " rapide " d'épilepsie myoclonique...
Une forte concentration de cette maladie rare avait été constatée en Scandinavie, et particulièrement en Finlande, d'où le nom de " myoclonus baltique ", mais aussi en Afrique du Nord ou dans l'Europe du Sud, d'où le nom de " myoclonus méditerranéen ".
A la suite d'un colloque international organisé à Marseille en 1989, la confrontation entre les différents spécialistes de la maladie a permis d'établir un consensus autour de la dénomination de MUL. En effet, Unverricht avait décrit très précisément, en Estonie en 1891 une famille atteinte, et Lundborg, en Suède, d'autres cas en 1905.
Nos connaissances sur cette maladie ont rapidement progressé après la clarification de sa définition : isolement de la région responsable sur le chromosome 21 en 1991, isolement puis caractérisation du gène déficient à partir de 1996, enfin progrès et nouvelles perspectives dans le traitement. La création d'une association de patients comme l'AMARMYUL peut contribuer à l'accélération des progrès, tant au niveau des connaissances que de la prise en charge des personnes atteintes.
UNE MALADIE GENETIQUE RARE
La MUL est une maladie inscrite dans les gènes, liée à une anomalie du gène codant pour une protéine intracellulaire qui joue probablement un rôle important dans la protection des cellules nerveuses, la cystatine B.
Ce gène est porté par le chromosome 21.
Il a été possible, en inactivant ce gène dans une souche de souris, de reproduire les principaux signes cliniques de la maladie.
L'anomalie génétique est de transmission récessive, c'est-à -dire que la maladie ne s'exprimera que si elle est portée à la fois par le père et par la mère : dans ce cas, un enfant sur 4 sera atteint, un sera totalement sain et ne portera pas de gène atteint, enfin 2 sur 4 seront indemnes de tout symptôme mais seront porteurs d'un gène atteint.
Pour cette maladie, un conseil génétique est possible.
Dans des pays où le gène anormal est relativement fréquent, il y aura une forte concentration de cas. En Suède, par exemple, on considère qu'une personne sur 200 est porteuse du gène malade : un couple sur 40 000 pourra donc avoir un ou des enfants atteints.
Dans des pays où les mariages sont souvent consanguins, entre cousins par exemple, la concentration de sujets atteints sera également plus élevée : c'est le cas de certains pays de culture arabe, comme les pays d'Afrique du Nord.
Enfin dans des pays peuplés à partir d'un petit groupe d'individus, la probabilité qu'un couple ait au moins un ancêtre commun est forte : dans ce cas, la présence, parmi les premiers habitants, d'une seule personne porteuse d'un gène anormal explique que la maladie soit relativement fréquente dans la descendance. C'est le cas en Finlande, pays peuplé il y a plusieurs siècles à partir d'un petit groupe d'individus, ou dans la population d'origine française de l'île de la Réunion, peuplée au XVIIème siècle à partir de quelques familles de colons. Dans ce dernier exemple, on a pu dater l'apparition de la première anomalie au milieu du XVIIIème siècle.
On estime qu'en France, il existe actuellement une centaine de personnes atteintes, dont plus de la moitié sont issues de l'immigration nord-africaine. Près de 20 cas ont été recensés à La Réunion, et des centaines de cas existent de par le monde. Il est fort probable que de nombreux cas restent méconnus, en particulier dans les pays du Tiers Monde, mais aussi dans les pays développés, et en France : en effet, certains patients sont atteints d'une forme relativement bénigne, et n'atteignent pas les centres les plus spécialisés, capables de confirmer le diagnostic de la MUL.
LES SYMPTOMES DE LA MALADIE
Les premiers symptômes de la maladie apparaissent entre 6 et 18 ans, 86% commençant entre 9 et 13 ans.
La maladie commence soit progressivement, avec des secousses provoquées par les mouvements (myoclonus d'action), surtout le matin au réveil, ou de façon brutale avec des crises épileptiques généralisées, survenant également au réveil.
Il y a peu de secousses spontanées, au repos, mais le myoclonus d'action devient progressivement invalidant. Il rend certains mouvements difficiles, comme le lever, à partir d'une position assise ou coucher, ou des changements de direction pendant la marche.
Le manger et le boire deviennent difficile. Certains accès de secousses sont déclenchées par la réalisation de mouvements difficiles, et peuvent se développer vers des crises importantes, de durée variable, qui sont associées parfois à une perte de conscience partielle. Pour un certain nombre de patients, la marche devient difficile, et il existe des troubles de l'équilibre.
En général, les symptômes ont tendance à s'aggraver au cours de l'adolescence et pendant le début de la vie d'adulte, pour se stabiliser ensuite.
Les grandes crises épileptiques ont tendance à disparaître au cours de la vie adulte. Les patients ont atteint à ce moment un degré de handicap variable : certains peuvent marcher, parler, mener une vie autonome, et ne seront gênés que par des secousses modérées, qui peuvent les rendre maladroits, en particulier pour les gestes fins, ou les ralentir.
D'autres se trouvent confinés à un fauteuil roulant, la marche et même la station debout peuvent être extrêmement difficiles ; la montée et la descente des escaliers est souvent particulièrement problématique. La parole est souvent parasitée par des secousses au niveau de la mâchoire.
D'importantes variations de sévérité existent d'un patient à l'autre, même à l'intérieur d'une famille où plusieurs sujets sont atteints.
Contrairement à d'autres maladies avec myoclonies incluses dans le groupe des épilepsies myocloniques progressives, la MUL ne s'accompagne pas d'une diminution des capacités intellectuelles. Ceci est en rapport avec le fait que la maladie n'affecte pratiquement pas le cortex cérébral, mais implique surtout des structures profondes du cerveau, comme le cervelet et les noyaux gris centraux.
On constate cependant, chez les patients atteints par les formes les plus sévères de la maladie, d'importantes difficultés : celles-ci sont liées à un état dépressif réactionnel aux difficultés, à l'effet des traitements lorsqu'ils sont très importants et fortement dosés, et à un ralentissement de toutes les actions impliquent la motricité, dont la parole, ce qui interfère avec les possibilités d'expression des patients.
Au total, la MUL est une maladie parfois très sévère, presque toujours handicapante, mais parfois plus bénigne chez certains patients qui n'ont pas de gêne importante, et peuvent mener une vie pratiquement normale. La plupart, cependant, auront besoin d'un soutien important, et d'un traitement pouvant être lourd.
LE TRAITEMENT DE LA MUL
Le traitement ne saurait se résumer à la prise de médicaments. En raison de leur handicap, les patients atteints de la MUL ont droit à une prise en charge à 100% des frais médicaux, au titre des pathologies invalidantes et des épilepsies rebelles.
Ils ont souvent besoin d'un soutien psychologique, et d'une prise en charge kinésithérapique, qui vise en particulier à leur permettre de maintenir la marche et la station debout, ainsi qu'à leur apprendre à exécuter les mouvements volontaires, qu'il faut souvent préparer.
Leur cadre de vie doit être aménagé en fonction de leur handicap : accessibilité au fauteuil roulant, mise en place de glissières pour aider la marche dans les couloirs. Il faut aussi leur permettre de prendre le temps d'effectuer des activités banales pour des sujets en raison des difficultés de la motricité.
QUELS MEDICAMENTS POUR LA MUL ?
Les médicaments utiles pour le traitement de la MUL sont en nombre limité :
- Le valproate (Dépakine) est le traitement de fond, il est actif contre les secousses et contre les crises épileptiques. Le valproate est faiblement sédatif, mais expose à une augmentation de l'appétit (effet qui, joint au manque d'activité physique, est la cause chez certains patients d'une prise de poids qui peut aggraver le handicap).
- Les médicaments appartenant au groupe des benzodiazépines, principalement le clonazepam (Rivotril) et le clobazam (Urbanyl) sont utiles, ils exposent cependant à une certaine habituation et ne devraient être utilisés, si possible, que de manière intermittente.
- Le piracétam (Nootropyl) est un médicament très utile contre les secousses (médicament antimyoclonique).
Il doit malheureusement être prescrit à des doses importantes, d'au moins 12 ou 16 grammes par jour, ce qui impose l'utilisation de la forme sirop, présentée en flacons de 125 ml contenant 25 g de produit actif.
- Le levetiracetam (Keppra), dérivé chimiquement du piracetam, est plus actif contre les crises et a également un bon effet contre les secousses, mais ne semble pas vraiment plus efficace. L'avantage est qu'il peut être donné sous formes de comprimés, à une dose plus faible (2 à 4 grammes par jour).
- D'autres médicaments peuvent être utiles : la zonisamide (Zonegran), disponible sur demande spéciale et délivrée par les pharmacies hospitalières ; la primidone (Mysoline), médicament ancien, proche des barbituriques, que l'on peut également utiliser à titre antimyoclonique.
En revanche, de nombreuses médications utilisées dans le traitement des épilepsies sont contre indiquées chez les patients présentant une MUL : en effet, ils peuvent aggraver les symptômes de la maladie, en particulier les secousses. Il s'agit de la phénytoïne, de la carbamazépine, du vigabatrin, de la tiagabine, de la lamotrigine.
Les progrès récents ont ouvert de nombreuses nouvelles possibilités de traitement de la MUL.
Les stimulations électriques intracérébrales sont une voie à explorer, mais les cibles de la stimulation doivent bien être définies. La stimulation du nerf vague n'a pas encore été essayée de manière rationnelle dans cette pathologie.
Les traitements visant à corriger, au niveau cellulaire, l'anomalie génétique, sont en cours de développement. Enfin, certains médicaments, par leur action antioxydante, ont pu ralentir ou stopper l'évolution de la maladie : ils auraient donc un intérêt majeur au début de l'évolution (il s'agit surtout de la N-acétyl-cystéine, disponible dans des préparations à visée pneumologique comme fluidifiant bronchique telles Mucomyst ou Fluimucil).
Diagnostic de la Maladie d'Unverricht Lundborg
Signes cliniques :
Début entre 6 et 18 ans (en général entre 8 et 13 ans)
Secousses myocloniques, déclenchées par le mouvement
Crises épileptiques généralisées
Maximum des symptômes au réveil
Aggravation pendant 5-20 ans, puis stabilisation
Pas d'atteinte des fonctions intellectuelles
Au laboratoire d'électroencéphalographie (EEG)
Activité de fond normale
Présence d'anomalies paroxystiques généralisées
Sensibilité à la stimulation lumineuse
Secousses généralisées, violentes avec décharges sur l'EEG
Secousses localisées, sans décharges à l'EEG
Biologie et radiologie
Aucune anomalie pour les examens biologiques de routine
Aucune anomalie sur les examens neuroradiologiques (scanner, IRM)
Présence d'une mutation du gène de la cystatine B sur le chromosome 21q
Diminution des taux de cystatine B intracellulaires
Auteur : Docteur Genton, neurologue au centre Saint Paul, Hôpital Henri-Gastaut de Marseille.
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